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Cornachroniques
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Cornachroniques
  • Bienvenue. Je suis Daniel Libelart, humble cornac de ces chroniques. Je vous invite à suivre quelques libraires dans leurs aventures quotidiennes parsemées de rencontres en tout genre. Toute ressemblance avec des personnages réels serait purement fortuite
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10 octobre 2011

Ping-pong… ou le langage de sourd

     - Bonjour monsieur. Je cherche un livre s’il vous plait.

     L’homme est bonhomme dans son costume un peu lâche et froissé, avec dans la voix juste une pointe d’accent du sud de la France. Un gentil papa en somme qui tend à Justin un papier lisible avec un ISBN en bonne et due forme.  

     Face à cet enchaînement de courtoisie, Justin se sent l’âme d’un bon samaritain. Ce qu’il est la plupart du temps, de toute façon. Mais l’écran se charge de faire déchanter le libraire aux lunettes. Le livre en question ne se fait plus et cela fait bien dix fois qu’il le dit depuis ce matin, devant les mines contrariées des parents qui s’inquiètent pour leur progéniture face aux impérieux enseignants.

     - C’est une prescription scolaire, dit Justin et...

     - Vous le connaissez ! l'interrompt le papa d'un collégien.

     - Oui. Enfin non. C’est un ouvrage pour le collège mais qu’on n’a pas.

     - Ah. Il prend un petit temps de réflexion. Mais on peut le faire venir ?

     - Non. Non, l’ouvrage n’est plus disponible, rectifie Justin.

     - Ah. D’accord. Et il faut combien de temps pour le commander ?

     - On ne peut pas le commander, il est en arrêt de com, dit Justin d'une voix un peu plus forte, histoire de se faire entendre. Quand même.

     - Com ?... Comme quoi ? demande le bonhomme avec une désarmante naïveté.

     - Non, c’est notre jargon, précise Justin avec un petit sourire. Arrêt de commercialisation.

     - Ah ! Il prend encore un temps de réflexion. Et vous pouvez l’avoir ?

     - Non, c’est un ouvrage qui n’est plus disponible, il n’est plus du tout édité. C’est l’éditeur qui ne le fait plus.

     - Ah. D’accord. Mais pourquoi l’enseignant nous demande de l’acheter ?

     - Ca… c'est une bonne question. Je pense qu’il n’a pas vérifié, dit Justin qui n’aime pas vraiment devoir pousser autant les explications.

     - Ah. D’accord. Eh bien merci quand même. Très bonne journée à vous.

     - Merci. Bonne journée, lui répond Justin.

     L’homme bonhomme s’éloigne.

     Justin passe index et pouce sur ses yeux fermés, il se dit qu’il devrait être plus clair, plus rapidement, pour éviter ce genre de situation. Ce n’est pas le genre de désagrément que doit subir Ernest. Et encore moins Victor. D’un autre côté, on ne se refait pas.  

    Tel un boomerang molletonné, sans bruit, l’homme vient interrompre ses pensées.

    - Vous croyez qu’ils en font chez "Dirty*?

    - Non… Non.

    - Ah ! Il s’octroie un nouveau temps de réflexion. C’est sur ma route, je vais quand même aller faire un tour. Allez, bonne continuation.

    L’homme s’en va et Justin secoue doucement la tête comme pour s’extraire d’un rêve : il tient, enfin il tenait une star.  

 

* "Dirty", une enseigne connue pour l'électroménager et les produits techniques... mais pas pour les livres. Ou alors, on nous aurait menti.

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Commentaires
B
Mdr j'adorrre c'est un classique celui-là !<br /> <br /> Faut que vous soyez plus clair Justin, comme Ernest ! il envoie pas les clients chez le concurrent lui !
L
Cela-là il me fait rêver ! C'est l'aventure ce métier, on croise des spécimens uniques tous les jours !
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