Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Cornachroniques
Cornachroniques
Publicité
Cornachroniques
  • Bienvenue. Je suis Daniel Libelart, humble cornac de ces chroniques. Je vous invite à suivre quelques libraires dans leurs aventures quotidiennes parsemées de rencontres en tout genre. Toute ressemblance avec des personnages réels serait purement fortuite
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Derniers commentaires
6 mars 2012

Je n'ai pas beaucoup d'infos

     Ils sont légions, ceux qui arrivent sur la pointe des pieds, pas confiants, pas sûrs de leur fait et de leurs informations et qui, au bout de quelques instants moquent le peu d’efficacité du libraire désormais vendeur, dégradé, inefficace. Béatrice Martin est un peu comme cela.

     Sniper de la répartie, Victor possède un stock inextinguible de répliques qui font mouche. Il possède aussi cette capacité rare à les renouveler et peut s’appuyer sur une capacité d’improvisation qui désarçonne plus d’un client. Destabilisant, il use et abuse de ce pouvoir. C’est chronique, maladif mais on aime bien ceux qui châtient bien. Le prendre en défaut n’est pas chose aisée. A moins d’être un belle femme. Victor peut tout à fait avoir du temps perdre, il faut juste qu’il garde le contrôle.   

     - J’ai une colle pour vous.

     PREMIERE ERREUR.

     - Et que voulez-vous que j’en fasse, la coupe-t-il.

     - Pardon ? demande-elle un brin agressée.

     Victor prend une voix pédagogue où pointe un téton de sensualité.

     - Moi je suis libraire, je ne suis pas maquettiste.

     Victor adresse un petit sourire nonchalant, très content de son effet : un mot gentil après le petit coup de caddie dans le talon d’Achille. Souffler le chaud et le froid, le souffler si vite qu’on empêche la réaction. Toujours garder la main. Marquer son territoire.

     Plus détendue, la dame reprend.

     Plus détendue : DEUXIEME ERREUR.

     - Je n’ai pas beaucoup d’information. Je n’ai pas le titre mais par contre je sais que c’est Folio Classique.

     Quel libraire n’a pas entendu cette phrase digne d’un sketch de Coluche himself à propos d’une frange de journalistes en mal de scoop et qui « s’autorisent à penser »…

    - Et ?

    - Et quoi ? se vexe-t-elle presque.

    Victor a un petit rire narquois.

    - Ce n’est pas un manque d’information, c’est le désert de Gobi votre affaire. Vous demandez à un concessionnaire de voitures sans avoir ni l’année, ni le modèle mais vous avez la couleur. Et je ne suis pas concessionnaire.

    - C’est une prescription scolaire, ce n’est pas non plus le Graal, le mouche-t-elle.

    - Ah oui, c’est juste une prescription scolaire. Parmi des dizaines de prescriptions hebdomadaires. 

    - Oui, vous n’avez pas envie de faire de recherches, lance-t-elle.

    - Voiiii-là. Vous avez compris. Je n’ai pas envie de faire de recherches. Mais ça, c’est parce que je ne suis pas architecte. Ni concessionnaire.

    - Oui, j’ai compris. Vous avez gagné, j’irai voir mon libraire, dit-elle prête à partir.

    Victor ne conçoit pas de se faire braquer le dernier mot.

    - Sage décision. Avec votre indication… Victor prend le temps de trouver le terme adéquat… anorexique, folio classique, je pense que votre libraire va apprécier.  

    - Au revoir, dit-elle sèchement.

    - Bonne journée. Et bonne recherche dit Victor avec un sourire assumé dans la voix.

    La dame secoue sa tête, une façon personnelle et contenue de le traiter de sale petit con.

    Victor expire profondément en bombant encore un peu plus le torse. C’est vrai que c’est un sale petit con. Mais satisfait. Très satisfait.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité